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JOUBERT, Pensées, 1838.
Il faudrait presser encore une fois selon sa forme le mythe de la caverne, qui est le mythe des mythes, enfin l'imagination non plus réglée mais réglante. Nous sommes tous en cette caverne; nous ne voyons et ne verrons jamais que des ombres. Le sage se sauve d'abord de croire, par le détour mathématique; mais il reviendra à sa place d'homme; il y revient d'instant en instant; entendez qu'il ne la quitte point, les yeux fixés un moment ailleurs, mais revenant là. C'est un voyage d'esprit que Platon propose ici au captif; c'est l'attention seulement qui rompt les liens du corps, et qui s'exerce à penser selon un autre ordre; c'est dans la caverne même qu'elle s'élance, composant d'abord des ombres ébarbées, qui sont les figures mathématiques, et de là s'élevant aux modèles du bien penser, qui sont les idées, et enfin à la règle du bien penser, qui est la règle du bien. Dès lors, et semblable à celui qui a passé derrière le petit mur et qui a surpris le secret du montreur d'images, le sage sait revenir aux premières apparences, ouvrant tout grands ses yeux de chair; et de là il remonte aux formes véritables que les ombres lui font voir, qu'elles font voir à tous, sans une erreur en elles, par une erreur en eux, qui est de ne point connaître assez leur propre loi. Les ombres sont toutes vraies, comme elles paraissent. Toutes les ombres d'un homme expliquent la forme de l'homme, et en même temps la caverne, le feu, et la place même de l'homme enchaîné.
ALAIN, Les Idées et les Âges, Gallimard, 1927
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