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« Le meilleur d’un sexe devrait être uni au meilleur de l’autre aussi souvent que possible, et l’inférieur de l’un avec l’inférieur de l’autre le moins souvent possible »
Platon
Dans trois ans, nous devrions avoir les clés du langage codé à l’origine de notre « ego biologique », les clés du génome humain.
Ceci devrait nous permettre dans un premier temps d’améliorer le dépistage et d’affiner les diagnostic prénatal (in utero) et préimplantatoire pour aboutir, par l’avortement ou le tri embryonnaire à « l’élimination » de certains types d’individus (atteints de mongolisme par exemple.
Dans un second temps, les traitements incluront les thérapies géniques contre les maladies génétiques comme certains cancers mais des chercheurs évoquent la possibilité de thérapies germinales qui permettraient de modifier le génome des cellules sexuelles des individus et de le transmettre à la descendance.
Une nouvelle discipline pourrait apparaître : la reprogénétique. Consommatrice de techniques comme le clonage d’embryons et de manipulations génétiques, elle permettrait de fabriquer in vitro des embryons enrichis de gènes de protection contre les maladies graves ou conformes au désir des parents.
Science fiction ? Comment est-ce pensable ? Comme pour les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication, de simples outils qui seront ce que les hommes en feront ? Ainsi les risques d’un prétendu eugénisme seraient à ramener à la dimension des sociétés qui pratiquent la discrimination, le sexisme, l’exclusion et qui avec les découvertes génétiques ne feraient qu’accentuer ces traits primitifs. Donc si eugénisme il y a, il ne serait pas si nouveau. Par ailleurs, nouveau ou ancien, l’eugénisme rappelle trop de mauvais souvenirs pour ne pas susciter de vives réactions. Mais si collectif, l’eugénisme était une horreur, individuel, il se pourrait qu’il prenne du chic puisque, libéralisme oblige, des individus choisissant des mères porteuses et des pères donneurs ou qui décident d’éliminer un fœtus infirme, agiraient sur une base strictement privée et individuelle, sans visée totalitaire apparente : de quel droit entraver leur liberté ? On s’acheminerait ainsi vers une population parfaite via l’accumulation des choix individuels.
Le débat sur un nouvel eugénisme traîne dans son sillage d’autres questions.
Celles de la vie et de la conscience : à partir de quel moment a-t-on à faire à une chose ou une cellule et à un être ? Quel statut donne-t-on à l'embryon ? Mais si, comme son nom l'indique, l'embryon est virtuel, potentiel, possibilité d'être, est-ce le cas de simples cellules indifférenciées ? On retrouvera dans « Débat » des thèmes qui ont alimenté celui sur l’avortement. Sans oublier la question de savoir ce que c’est « une vie qui vaut d’être vécue ». La récente plainte portée par un jeune handicapé tendrait à montrer qu’il peut, comme dit Cioran, y avoir « un inconvénient à être né ».
Celle de la normalité associée à l’idée du même. Les groupes, les sociétés, produisent de la norme comme le soleil de la chaleur, naturellement. Y compris sous couvert de discours libérateurs : celui sur la libération des corps produit des contraintes sur les individus (diététique, gymnastique, performance, look…) comme jamais. La norme c’est retrouver de l’identique, du même donc nécessairement d’écarter l’a-normal, l’altérité, l’altéré quand bien même y eût-il un discours claironnant (donc soupçonnable) sur le droit à la différence. Que pèseront les revendications d’une trop grande différence face aux profils types définis par les publicitaires ?
Dans le cortège de la normalité, la notion de pureté dont on sait qu’elle anime tous les intégrismes. La pureté est proche de l’intégrité, l’intégrité de l’intégrisme donc de la dés-intégration de toutes tentatives individualisantes trop marquées.
Le débat sur le clonage outre qu’il renvoie à la problématique du même porte également sur le rapport de la nature à la culture. Penser que deux êtres, même clonés, seraient identiques, laisse entendre que la « nature » (même artificielle) aurait plus de force que la culture dans le devenir des individus.
Enfin, nous sommes face à ces technologies, qu’elles soient géniques ou de la communication ou autre encore, dans quelque chose qui se rapporte, comme le dit Jacques Dufresne, à la démesure et à la limite. Il importe, comme le disait Platon par la voix de Socrate, d’introduire de la mesure dans la démesure. C’est parce que je tempère le long et le court, le grave et l’aigu, le fort et le faible que je produis de la musique. Chaque fois que l’équilibre l’emporte, c’est qu’une limite a été imposée à un désir – par nature démesuré – humain. Il n’est pas facile de parler de limite dans une ère où il est convenu que chacun peut faire ce qu’il veut là où il est, avec sa propre vérité. Comme le disait Rousseau à propos de la loi, elle est dans sa contrainte même un contour libérateur pour tous les individus à condition de la rendre aimable. Avec les nouvelles technologies les hommes sont pris de la fièvre de l’illimité. La question est de savoir comment y introduire de la limite.
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